L'auteur
Patrick Laviolette
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Référence
Patrick Laviolette, « Le Terrain Vertigineux du Flâneur », Influxus, [En ligne], mis en ligne le 3 décembre 2015. URL : http://www.influxus.eu/article1031.html - Consulté le 10 octobre 2024.
Le chercheur affecté
Le Terrain Vertigineux du Flâneur
par
Résumé
À travers une étude ethnographique comparative du phénomène de l'exploration aventureuse en Europe, cet essai considère les dimensions émotionnelles, viscérales et somatiquement localisées des jeux dangereux et à risques. Cet article expérimente avec une anthropologie sensorielle à partir des relations entretenues par l’ethnographe avec des sites de sport d'aventure. En décrivant certaines activités telles que l'escalade libre, le surf et l'exploration urbaine, je propose une réflexion sur quelques façons dont s’incarnent des paysages extrêmes. J’aborde également des façons de concilier le plaisir et l’anxiété de l'aventure – des sensations immédiates avec des sentiments hyper-intimes envers les sites eux-mêmes.Abstract
Through a comparative ethnographic study of the phenomenon of adventurous exploration in Europe, this essay considers the emotional, visceral and somatically localised dimensions of dangerous and risky games. It experiments with sensorial anthropology themes from the perspective of the ethnographer's own relations with certain sites of adventure sports. In describing such activities as free climbing, surfing and urban exploration, I provide the beginnings of a framework for thinking about how people embody extreme landscapes. I also consider some of the ways to reconcile the immediate sensations of adventurous pleasure or anxiety with hyper-intimate feelings towards the sites themselves.Quand l’émotion d’une peur tombante n’est pas toujours [1]
Préambule
Dans son livre La force de l’âge (1960), Simone de Beauvoir rapporte son expérience après une chute d’une corniche durant l’escalade des Trois-Évêchés. Elle rapporte un événement vécu lors d’un été passé dans le sud-est de la France pendant les années 1930 :
« Eh bien voilà ! me dis-je. Ça arrive, ça m’arrive, c’est fini ! » Je me retrouvai au fond du ravin, la peau de la cuisse arrachée mais les os indemnes ; je m’étonnai d’avoir éprouvé si peu d’émotion quand j’avais cru frôler la mort. Je ramassai mon sac, je galopai jusqu’au Lauzet, j’arrêtai une auto de l’autre côté de la montagne, au chalet-hôtel du Col d’Allos ou je m’endormis en me disant sombrement : « j’ai perdu une journée ! »’. (1960 : 240-241).
En tant que chercheur qui, entre autres choses, étudie les lieux vertigineux et les pratiques à haut risque, j’ai également raté des ascensions et subi de telles chutes. En fait, une vision obsédante me hante continuellement – celle de quelqu’un qui hisse mon corps entravé du fond d’un précipice abrupt que je viens d’explorer seul. L’objet de la recherche anthropologique n’a pas vocation à se pencher sur ce type d’obsessions individuelles, ni même de comprendre pourquoi des gens s’adonnent à de telles pratiques à titre singulier. Cela serait plutôt le domaine du psychologue. Ce qui intéresse l’anthropologue, c’est l’aspect social de la question, son contexte et les interconnexions entre le « comment », le « quand » et le « où » de telles activités. L’idée de recourir à une introspection personnelle, comme l’invite à le faire l’expérience de Simone de Beauvoir, est d’ouvrir sur des questions plus larges que pose le choix de courir des risques, le désir d’éprouver des frissons et de se divertir par le biais d’expériences aventureuses.
La distorsion du temps est souvent la principale justification de tout amateur cherchant à apprivoiser le péril (Laviolette 2007, 2011). De plus, ces expériences ancrent des émotions dans des environnements spatiaux vécus de manière intime (Sachs 1992). De ce fait, elles rappellent l’esprit du flâneur de Balzac, de Baudelaire ou encore de Benjamin à travers le rapport à l’immédiat, au sensible et à leur déclinaison corporelle, même si le flâneur est souvent considéré comme un être rêveur et léthargique. Cela m’amène à voir dans la prise de risque une sorte de flânerie accélérée, un aspect phénoménologique au sujet desquels une réflexion mériterait d’être développée. C’est en faisant moi-même de telles expériences que j’ai pu accéder aux modalités intimes de ce type de flânerie. Un accident évité de justesse, expérience similaire à celle décrite plus haut, m’a offert l’occasion d’une première rencontre avec le vertige pur, le sentiment de vivre une émotion ’quasi-incorporée’ (Gorevan 2000).
Première corniche – pris au piège de la peur
Durant l’été qui a précédé ma dernière année d’études de premier cycle, en 1993, un ami et moi avions loué une voiture à Amsterdam pour traverser l’Europe afin d’aller chez son oncle à Prato, dans les banlieues de Florence. Après quelques semaines de route, nous nous sommes dirigés vers Monaco dans le sud de la France. Nous sommes ainsi arrivés à Monte-Carlo un après-midi, juste après le Grand Prix, ayant raté sans le savoir cet événement de quelques heures. Notre statut d’étudiants allant de pair avec des moyens financiers très réduits, les Beds and Breakfast et auberges de jeunesse étaient un luxe rare le long de notre parcours. Comme vous pouvez vous imaginer, pendant l’une des nuits les plus fréquentées dans tout Monaco, les hébergements se sont avérés inaccessibles et, faute d’amis ou de relations dans cette ville, nous avons donc choisi ce soir-là de dormir dans notre voiture. Nous avons débuté la soirée avec quelques verres sur une place publique, ce qui nous a valu d’être invités par de nouvelles connaissances à prolonger la nuit autour d’un feu de camps. Epuisé par la conduite à travers la montagne de la journée, mon compagnon a décidé de retourner se coucher vers minuit à la voiture. J’ai donc continué la soirée sans lui pendant une heure ou deux avant de le rejoindre dans notre petite Fiat Cinquecento où il dormait déjà profondément. Nous étions garés un peu hors de la ville, dans un défilé qui suit la plage, à quelques mètres de la Méditerranée. Contre le trottoir, derrière notre point de vue, dominait une falaise abrupte. Il était difficile d’en distinguer avec précision la hauteur dans les ténèbres, mais elle culminait au moins à 40 mètres. Après environ 30 mètres, la paroi rocheuse verticale semblait s’aplatir, de l’herbe et de la végétation colonisant les biefs supérieurs.
Surexcité et ne voulant pas déranger mon compagnon, l’idée me vint alors que la vue du haut de ce morceau de falaise devait être superbe car elle dominait le port illuminé et les petites maisons creusées dans les collines alentour qui contournaient mer. J’ai donc commencé l’escalade de ce qui semblait être une partie assez facile de ce surplomb maritime. Après environ 20 mètres, la situation se compliqua néanmoins. La surface devenait moins verticale de sorte que la paroi rocheuse y était moins stable. Une pierre se libéra soudain sous ma prise. Regardant vers le bas, je découvris une altitude relativement élevée. Toute la fatigue accumulée se fit alors soudain sentir et je pris conscience de mon ivresse – j’étais loin d’être sobre. Du point de vue des émotions, l’ivresse que je décris peut-être traduite comme l’incorporation simultanée d’une sensation de bravoure excessive telle que l’éprouve une tête-brûlée et celle d’un profond mépris vis-à-vis de soi-même. Autrement dit la possibilité de se dire « merde j’suis vraiment con », mélangé avec le sentiment d’insouciance « ce n’est pas possible, tout va bien se passer ».
Je décidai donc de rebrousser chemin mais après plusieurs tentatives infructueuses pour décrocher mon seul point d’appui stable de la paroi, je restai figé, pour ainsi dire gelé sur place. La combinaison de ces états de conscience m’avait conduit dans un état de panique grave. Le cœur battant et la tête en ébullition, toutes sortes de pensées défilaient dans mon esprit, anéantissant tous mes efforts de penser clairement. Ma bravade naïve et le sentiment de contrôle de la situation s’étaient tous enfuis. De multiples visions de catastrophe m’envahissaient au contraire. Regardant vers le bas la petite Fiat bleu, je m’imaginais par exemple atterrir dessus, me cassant les deux jambes, sinon le cou, laissant mon ami traumatisé par un bruit violent et la découverte de mon corps désarticulé sur le capot.
Après quelques minutes d’angoisse je retrouvai néanmoins un certain calme. Je pus alors envisager les différentes options qui s’offraient à moi. Monter encore pour atteindre le plateau en était une, mais une chute de plus haut serait certainement fatale. En outre, il était difficile de prédire les conditions à l’arrivée en haut et je pouvais tout simplement finir par être obligé de rebrousser chemin. Les effets de l’alcool se dissipant peu à peu, une autre pensée rassurante me vint à l’esprit – il me serait toujours possible de rester sur place et de crier à l’aide. J’avais probablement assez d’endurance pour tenir une heure ou deux. Mais l’idée de convoquer les pompiers n’était évidemment pas idéale. Avec une certaine appréhension, je résolus finalement de faire un demi-tour sur moi-même pour réaliser mon objectif initial : profiter de la vue du port. Ce mouvement était assez facile à gérer et même si c’était sans doute un autre risque inutile, la vue, spectaculaire, s’avéra étrangement rafraîchissante. La réussite de cette action me rendit la confiance nécessaire pour redescendre. J’y parvins sans trop de heurts. Au total, toute cette mésaventure s’était déroulée en moins d’une heure.
Territoires et théories pour moquer l’horizontalité
Dans une optique différente qui considère, néanmoins, la vitesse et le vertige, l’ethnographe Synthia Sydnor a analysé le plongeon en plein ciel, dans le cadre de l’aspect performant, imaginaire, irréel et onirique de l’expérience procurée par un mouvement et une descente rapide. Sa chorégraphie de la chute libre se fonde sur les réflexions de Walter Benjamin à propos de la dimension fantasmagorique de l’expérience, « le concept de progression imperceptible entre des espaces physiques et des espaces environnementaux » (Sydnor 2003 : 103). Gilles Deleuze (1985) s’est également inspiré de Benjamin (1980) dans ses réflexions sur les espaces catégoriques des sports à travers le processus de développement de l’extrême pour traduire l’appropriation de l’énergie cinétique par le participant. Les rêveries de Benjamin sont en effet cruciales pour saisir les contractions du temps et de l’espace qui se manifestent lors de ces expériences émotionnelles intenses.
La mobilité est bien sûr une notion cruciale ici, tout comme le sont les dimensions kinesthésiques du mouvement et en fin de compte l’expérience physique et émotionnelle du monde urbain. La définition que donne Benjamin de la modernité est celle d’une rupture avec le passé, fondée sur le regard et la liberté de mouvement. Il faut aussi remarquer que mobilité et mouvement sont intrinsèquement liés à l’étude phénoménologique. C’est de cette manière que certains anthropologues en sont venus à créer et à conceptualiser l’idée d’un être chez soi dans un monde où la migration devient une façon de créer sa propre identité (Jackson 1995 ; Dawson & Rapport 1998). En ce sens, l’accent n’est plus mis nécessairement sur la formulation d’une l’identité forgée à partir d’une origine, mais d’une identité envisagée par une action ou comme une destination.
Sur le plan conceptuel, cet article questionne les notions de peur et d’euphorie, liées à l’accélération du vécu, pour autant qu’elles soient associées à une prise de risque volontaire, aux formes de loisirs hasardeux, et à une façon d’explorer, souvent illicitement, certains lieux de risques. L’approche est motivée par des considérations d’immédiateté sociale (Tomlinson 2007). Comment se manifestent la construction culturelle de la vitesse et de la rapidité, ainsi que les conditions de la modernité et de la postmodernité ? Et comment l’ethnographe y accède-t-il ?
Pour débuter, il faut avouer que les réflexions de Benjamin s’appuient pourtant sur un contexte a priori éloigné des pratiques extrêmes que nous venons d’évoquer. L’auteur invite en effet à redécouvrir les tranquilles arcades parisiennes d’un paysage urbain, exemples parfaits d’une « architecture panoramique » originale, dont le but était d’orienter le flux des individus vers la place du marché dans le sillage des changements sociaux provoqués par la Révolution française. Avec l’éclosion du capitalisme, il avait fallu créer de nouveaux espaces propices aux transactions économiques. Ces passages traversaient donc des quartiers couverts de toits de verre et dont les parois étaient couvertes de marbre, ce qui donnait une dimension étrange à l’environnement créé, rendu à la fois intérieur et extérieur.
Thème littéraire sous les plumes d’Honoré de Balzac et de Charles Baudelaire, cet espace générique, ainsi que le personnage du flâneur qui lui est associé, ont fait l’objet de perspectives théoriques de la part de Benjamin dans les années 1930. Dans leurs œuvres, ces trois auteurs traitent le développement d’une nouvelle classe sociale en constante progression, qui représentait en fait un des groupes-clefs d’une nouvelle forme d’expérience publique de la modernité.
Babel d’escaliers et d’arcades,
C’était un palais infini,
Plein de bassins et de cascades
Tombant dans l’or mat ou bruni ;
Extrait de : Rêve Parisien, Baudelaire ([1857] 1961 : 122).
Inévitablement des hommes, les flâneurs, se baladaient en ville pour tuer le temps que l’aisance et l’éducation leur offraient (Wilson 1992). Leur inclination à la nonchalance les conduisait à considérer les individus de la foule environnante à la manière d’objets, qu’ils traitaient comme les indices d’une énigme que l’on prend plaisir à résoudre. L’acte de flâner était un privilège. La liberté de parcourir la ville en tant que spectateur, et non pas en tant que partie prenante, leur permettait de profiter d’un spectacle offert non seulement par les objets mis en vente mais aussi par les êtres, scrutés à partir d’un regard inquisiteur rarement avoué (Friedberg 1993 ; Tester 1994 ; Gluck 2003). Le flâneur, personnage anonyme dans la foule, était ainsi libre d’envisager les autres passants comme des nigauds, des caricatures d’êtres domestiques. En révélant l’inversion spatiale entre le public et le privé dans ce contexte, Benjamin extériorisa l’intérieur et intériorisa l’extérieur. L’objectif de cette inversion était de produire une subversion sociale, dans laquelle le loisir devenait un des outils principaux nécessaire à la création d’une image durable du flâneur, une personne qui n’est pas confinée à la sphère domestique, toujours plus contrôlée par l’État, mais qui a la capacité, la liberté et le capital culturel pour vivre le monde pleinement (Polanyi, 1966 ; Rapport 2011).
Un trait important à cet égard est que le flâneur, dans son état suprême de loisir, est la personnification d’un entre-deux mondes. Par son comportement déambulatoire, il se trouve à la frontière du somnambulisme et d’une conscience ivre de réforme. Cette particularité s’est bien entendu prêtée parfaitement aux idées des surréalistes qui ont fait du flâneur une espèce de mascotte de la poésie en mouvement. Pour Benjamin, les rêves étaient les indices d’une liberté propice au changement utopique (Caillois, 1958). Par conséquent, le flâneur était une présence transcendantale qui symbolisait ce que Thorstein Veblen (1899) a plus tard nommé « le loisir manifeste ». Les réflexions de Veblen ont été fortement influencées par le mouvement populiste qui a prévalu de 1887 à 1908 en Amérique. Sous l’influence des courants socialistes, la distinction entre ceux qui produisaient et les autres permit alors d’opposer deux mondes sociaux. Les populistes allaient à l’encontre des valeurs des principaux leaders du monde des affaires, et partageaient le même sentiment d’urgence, à la limite du désespoir, de la nécessité de réforme. Et c’est bien ce lien entre le désir de changement et de développement des loisirs d’une part, et la capacité d’évoluer dans des espaces différents, d’autre part, qui relie le flâneur à l’aventure. Mais bien qu’il soit mobile, le flâneur n’en est pas moins l’incarnation de l’oisiveté, tout au moins si l’on considère les critères de production socio-économique. Il nous faut donc introduire un autre élément avant de pouvoir assurer la pertinence de cette catégorisation dans le domaine de l’aventure.
Inspirés par les réflexions impressionnistes de Simmel, des intellectuels français, comme Michel de Certeau (1980) et Henri Lefebvre (1974) ont prolongé ces réflexions sur le flâneur en se penchant sur la pratique de la marche en ville. Bien que leurs travaux traitent plus de citoyens ordinaires que de bourgeois exceptionnellement éduqués et qui prennent plaisir à se promener en ville en observant les autres sans jamais communiquer avec eux, leurs études révèlent une certaine hégémonie dans le contrôle et la restriction du mouvement en milieu urbain. Pour sa part, David Le Breton (2000 ; 2012) consacre quelques ouvrages importants à « l’Éloge de la marche » et la revue Urbanisme traite de l’action de « marcher » (Acquier 2008). Les marcheurs existent dans les limites de l’espace construit qu’ils explorent, tout en se voyant refuser certaines possibilités et en en voyant d’autres s’offrir à eux (Featherstone 1998 ; Ingold, 2004). De Certeau appelle cela « la rhétorique de la marche », ce qui suppose une certaine créativité pour contourner les obstacles. Appliquées au domaine du ‘buildering’, qui consiste à escalader des immeubles, ou au « parkour », qui prône un déplacement libre et efficace dans tous types d’environnements, de telles perspectives prennent tout leur sens. Ces deux pratiques se basent en effet sur l’idée de contourner les restrictions d’une organisation, urbaine ou naturelle, par des acrobaties et des mouvements accélérés. C’est ici que la vitesse du déplacement et du faufilement élégant met en évidence un lien important entre flânerie et pratiques aventureuses.
Deuxième corniche : au-dessus du bord
Des années après mes premières expériences puériles à Monte Carlo, je décidai de commencer une recherche plus formelle sur ce type d’activités. Au début, j’étais intéressé par ce genre d’activités dans un environnement rural. En 2003, je partis donc en stop pour me rendre en Cornouailles, mon champ d’expérimentation ethnographique d’origine.
Imaginez-vous à 9h30 du matin au rond-point de Gunnersbury à Chiswick, Londres, sur l’aire de stationnement de l’autoroute M4 en direction de l’ouest. En un rien de temps, moins de 15 minutes, un véhicule s’arrêta. « Où tu vas, mon gars ? », dit un homme à la tête rasée, d’une petite quarantaine d’années, dont les épaules avaient l’air bien larges, et qui devait mesurer au moins 1,80 mètres. Il n’avait cependant pas du tout l’air menaçant. En fait, il semblait même être plutôt sympathique, vêtu simplement d’un jeans et d’un T-shirt. Sa voiture était plutôt correcte – non pas qu’il faille se montrer trop prudent, ou trop exigeant sur le confort quand on fait du stop, surtout quand on est sur le point de se lancer dans le projet d’une étude pilote sur l’aventure, les sports à risques et les endroits périlleux. Le frisson de l’aventure commence donc dès ce moment-là, avec une certaine peur de l’étranger. Et nous devons alors nous demander quelles émotions sont déjà présentes et si elles n’interfèrent pas d’une manière ou d’une autre sur l’analyse de l’objet de recherche.
« Plus vous irez vers le sud-ouest, mieux ce sera pour moi », répondis-je. « Tu as trouvé la bonne voiture, mon gars, je vais vers l’ouest », continua-t-il avec un fort accent de Cornouailles. Je ne mesurais pas encore la chance que j’avais, et ce n’était que le début. Dès les minutes suivantes, il s’avéra que mon nouveau compagnon de voyage travaillait dans l’ouest de Londres comme pompier, au rythme de quatre jours de service, et quatre jours de repos. Il avait récemment pris cette nouvelle voie professionnelle, car la possibilité d’avoir un week-end prolongé lui permettait de s’adonner à son passe-temps favori, son obsession, le surf. Il s’expliqua mieux en disant que ce changement radical et soudain dans son parcours professionnel correspondait à une nécessité de changer de mode de vie. Au cours des dernières années, sa santé s’était dégradée, et il lui fallait absolument trouver une façon de favoriser ce qu’il appelait « une dépendance croissante au surf » :
Comme tu vois, je suis un type plutôt lourd […] ça m’a pris trois ans pendant le week-end de temps en temps pour m’initier au bon surf, avant de pouvoir tenir sur une planche […] c’était vraiment frustrant. Mais une fois que j’ai pris le coup, pas moyen de faire marche arrière […] Alors j’ai passé un certain temps à trouver un boulot qui me permette d’avoir un week-end de quatre jours.
C’était vraiment un jour où j’aurais dû acheter un billet de loterie ! Et les choses allèrent de mieux en mieux. Après un peu plus d’une heure de route, mon chauffeur, appelons-le Martin, reçut un coup de téléphone d’un de ses amis qui l’attendait déjà. « […] Qu’est-ce qu’y a mon gars ? Je suis à trois pas de la côte nord [ … ] Je me dépêche, je serai là vers les trois heures. Je dois m’arrêter chez ma sœur dans le Somerset, mais je resterai pas plus d’un quart d’heure, le temps d’une tasse de thé ». Il raccrocha, et expliqua que c’était un petit peu hors de notre chemin, mais il avait promis à sa sœur de lui apporter quelques DVDs, et il ne pourrait pas y passer sur le chemin du retour. Il me demanda si ça me dérangeait, et s’inquiéta de savoir si je voyais un inconvénient à ce que cela soit le seul arrêt pour nous restaurer. « On n’a pas le temps de s’arrêter pour déjeuner, j’en ai peur. », continua-t-il, « Mais tu pourras toujours emprunter une planche une fois là-bas, si ça te chante ». Eh bien oui, c’était le genre de jour idéal dont tout chercheur rêve en se lançant dans un nouveau projet.
La cerise sur le gâteau fut la mise en pratique du mode de vie de ‘l’accro du surf’ après deux heures de surf puis trois heures de beuverie, qui pourrait être traduit à travers l’idée de pouvoir « se défoncer », terme familier qui désigne à la fois l’idée de donner toute son énergie dans une pratique physique et l’accès à un état d’ivresse par la consommation de substances psychoactives. Le terme lui-même établit ainsi un lien entre les deux sphères de pratiques a priori opposées puisque si l’une apparaît du côté de l’action, l’autre suggère plutôt la passivité. Au moment de nous dire au revoir, Martin m’offrit quelques précieuses bribes humoristique : « […] une drôle de journée, je suppose, hein ? Rouler toute la matinée à une moyenne de plus de 160km/h, pour ensuite aller se frotter à la mer froide pendant un moment, et puis de la bière bien chaude encore plus longtemps ? » De tels écarts et une telle déformation des sens est bien-sûr une justification importante de la prise de risques que de nombreux adeptes des activités périlleuses mettent en avant (Davidson 2008 ; Stranger 2011). De plus, c’est souvent cette sensation, forme déformée d’expérience, qui est recherchée par les participants qui entreprennent de telles activités radicales et extrêmes, à des moments où leur état d’esprit est modifié par la prise de drogues ou d’alcool.
D’une façon élégante, et comme soigneusement préparée, Martin énonça le principe du ‘work hard, play hard’ [2] , en disant « Regarde, contrairement à ce que les gens pensent, je ne vis pas sur le bord de mer, je vis sur la corniche au-dessus du bord ». Content de lui, il expliqua, plus à ses copains qu’à mon attention, cette dernière vantardise. « Oui, les gars, on parle bien de ce mélange de sexe, de drogue et surfer sur les vagues ! La corniche au-dessus du bord » ! Si tout n’était pas encore clair pour moi à ce moment-là, cette devise fournit le mot de la fin pour décrire un mode de vie qui apparaissait, non pas une espèce de rêve romantique ‘hippy’ d’échapper aux pressions de la vie moderne, mais plutôt comme la quête d’un excès à travers une pratique superlative des loisirs.
Flânerie hyper-intime
« Il y avait un danger contre lequel mes collègues m’avaient amplement mise en garde ; mes randonnées solitaire défiaient toutes les règles [...] » (de Beauvoir 1960 : 108). En revenant à un existentialisme autobiographique, mon intention est d’assumer le choix de ne rien dire à propos de la notion de risque malgré les dangers potentiels de tels modes de vie. Vous ne trouverez rien sur les dangers encourus pour participer aux activités que j’ai décrites. Mais je ne me fais pas le promoteur du risque à tout prix pour autant. Il faut plutôt comprendre que, ce que j’ai laissé entendre, c’est qu’il y a un besoin urgent de mieux saisir comment l’humanité approche le risque dans toutes ses diversités possibles, qu’il s’agisse d’étudier les pratiques sexuelles les plus libres, les transactions économiques sur les marchés financiers, ou de tentatives de modélisation pour prédire des catastrophes environnementales et technologiques.
De telles discussions et recherches doivent désormais inclure les pratiques de sports alternatifs qui ont aidé bon nombre d’entre nous à développer les capacités personnelles nécessaires pour aborder le risque de façon confiante, et aussi à surmonter la peur (Le Breton, 1991). Ces occupations d’activité extrême ont rapidement vu le jour au cœur des contre-courants culturels, à tel point qu’elles ne peuvent être dissociées des valeurs occidentales car elles sont loin de leur être étrangères. L’étude des sports et des lieux alternatifs peut donc aider à comprendre ce qui forme notre monde d’aujourd’hui, à travers la quête de plaisirs et d’aventure. Considérant les préoccupations croissantes au sujet des sites de loisir (Palang 2011), il a été possible d’envisager dans un premier temps des activités telles que le parapente ou le ski hors-piste en hélicoptère comme une affaire d’envie personnelle excentrique. Mais avec le développement de la gestion des consommateurs, de clubs organisés et de l’attention des médias, ces passe-temps ont pu devenir des pratiques populaires emblématiques d’une culture jeune en une période relativement courte. De leur position marginale, exotique et même élitiste, ils sont devenus des activités de loisir courantes.
En tant qu’événements en rapport avec la création et l’affirmation de l’identité et de l’appartenance sociale, des activités telles que le surf, les plongeons en grottes et du haut des falaises sont clairement liées à la performance. Cependant, ces jeux ont leur propre conception du sens de l’environnement, quoique pas précisément idéologiquement parlant. En réalité, le saut de falaise ou la plongée de caverne fonctionne comme un « modèle en action » incarné et tacite, guidé par une logique concrète qui mène à un rapport d’intimité, inévitable et total, dont le résultat actif est un défi. Donc, le paysage à risque offre à l’acteur à la recherche de ce risque le but même du jeu : le gratte-ciel à escalader, la falaise de laquelle on doit sauter, la paroi rocheuse à gravir, les profondeurs aquatiques dans lesquelles on doit plonger ou le ciel dans le vide duquel on doit se lancer. De la même façon, les aventuriers, tels que les surfeurs de dunes de sable, les escaladeurs d’icebergs, les plongeurs de grottes sous-marines, donnent une valeur culturelle supplémentaire au paysage, par une transformation physique minime, l’attribution d’un nom, le récit d’histoires, ou même parfois la protection qu’ils lui offrent. Dans ce sens, la quête de sensations fortes à travers la pratique de loisirs dangereux engendre une forme atypique distincte du jeu humain et naturel, englobant de façon spectaculaire le temps, le lieu et les êtres sociaux (Huizinga 1938).
L’immédiateté sociale, la construction culturelle de la vitesse et de la rapidité, ainsi que des réflexions sur les conditions de la fin ou de la post-modernité, en particulier en ce qui concerne la compréhension de la flamboyance et de la folie des personnages hyper-accélérés, tous cela peut laisser confus (Bertman, 1998). Nous devons donc questionner les processus qui s’opèrent durant la traversée d’espaces à risque aseptisés, de lieux protégés urbains ou ruraux et nous demander ce qu’il y advient des concepts de flânerie, de risque et de temps. Interroger nos propres expériences sensorielles dans des contextes variés le rend possible. Décrypter l’expérience sensible à travers ses propres sensations favorise l’accès à l’intersubjectivité quand les questions peuvent être déplacées de leur contexte initial. Est-il possible d’être un flâneur à la campagne ? D’être un flâneur post-soviétique ? Le Flâneur est certainement un personnage imaginaire qui dans ces formes accélérées et post-modernes peut renvoyer aussi à celui du ‘stalker’ [3] , harceleur et transgresseur qui explore les zones interdites, archétype soviétique du guide mercenaire qui se retrouve également chez les néo-flâneurs des aires récréatives en Estonie (Laviolette 2014). Ces états hyper-modernes de l’accélération sensorielle ont été envisagés par des penseurs tels que Helmut Rosa (2013) ou Georg Simmel (1911). Leur impressionnisme (fondé scientifiquement et sociologiquement) considère que les effets et les affectations qui découlent des expériences dangereuses coïncident avec des rythmes de vie plus rapides dans un contexte de globalisation propice aux expériences aventureuses cosmopolites. Les émotions de loisir vertigineux des amateurs de sensations n’y sont pas visibles seulement dans un vécu individuel, elles sont également collectives. Elles se matérialisent dans des environnements particuliers propices au risque.
Coda heuristique
Saisir l’inflation collective de pratiques centrées sur la quête d’émotions personnelles amène à considérer « l’infection commune » – une certaine contamination sociale, laquelle incite paradoxalement au désir de la peur chez les autres. C’est effectivement une partie du dilemme moral abordé dans mes recherches. Cela engendre une question catalytique que l’on pourrait formuler comme suit : comment les activités de jeux dangereux peuvent-elles fermer ou ouvrir un questionnement sur les développements thématiques récents en matière de sport d’aventure, de tourisme sombre, de risques de l’exploration urbaine, et de la peur/vertige dans les visites d’édifice en ruines (Garrett 2011 ; Stone 2012). Plusieurs de ces ouvrages évoquent une esthétique du macabre. La portée rituelle et sacrificielle d’une telle esthétique fait référence à l’imagination incorporée et à un existentialisme de la vitesse.
Cette réflexion s’inscrit implicitement dans la tradition Maussienne relative aux techniques du corps car le mouvement, la performance, l’apprentissage des actions physiques et l’interaction experte entre le corps et l’environnement se manifestent constamment dans les pratiques de loisir dangereuses. Les rituels à risques (spontanés et calculés) et le nexus « corps-esprit », nid de l’émotion, permettent de saisir comment certaines expériences existentielles se placent sur l’échelle des loisirs d’aventures. Or ces émotions extrêmes, marginales, ou même parfois radicales, font partie d’un champ de recherche qui reste souvent ignoré par les anthropologues. [4] En m’inspirant de mes propres souvenirs ainsi qu’en relevant des anecdotes autobiographiques, l’idée a été de considérer à la fois le point de vue de l’individu et les angoisses sociales – en mettant l’accent sur les émotions radicales à propos de risques tabous et par là même peu accessibles à l’observation en dehors d’une introspection. Dans ce sens, les émotions comme l’intuition, font partie de tout travail de terrain. Leur « maîtrise » (à la fois spontanée et calculée en termes descriptifs est essentielle à la maîtrise de l’art de la recherche sur le terrain. Nos comptes-rendus de ce processus requièrent d’en saisir les règles du jeu (Bourdieu 1987). Ici, la règle est d’utiliser les émotions extrêmes comme outil pour rendre objective une situation en dehors des structures normatives de l’habitus du quotidien. Par conséquent, il devrait y avoir un étalonnage entre l’expérience émotionnelle vécue et l’attestation du revécu que ces événements rappellent dans notre mémoire
Récemment des anthropologues comme Ehn & Löfgren (2010) ou Nigel Rapport (à paraître) ont utilisé cette approche méthodologique à partir de l’introspection. Nigel Rapport se penche, par exemple, sur l’intérêt méthodologique d’entrevues imaginaires et de conversations fictives avec des auteurs du passé :
« Dans le paysage de la pratique de recherche contemporain je veux faire valoir le droit, pour l’Anthropologie, (p2) [...] de se procurer les données qui permettront à l’individualité et à l’humanité de se parler mutuellement. Comment cette vie individuelle a-t-elle déployé les capacités humaines dont elle est composée ? Qu’est-ce que cette modalité corporelle de réalisation individuelle rend manifeste de l’humanité dont elle est une instance ? » (2010, p. 23). [5]
Les activités aventureuses facilitent l’accueil de nouveaux types de récits et le soutien de nouvelles variétés de solidarités sociales. Mes propres travaux sont donc largement inspirés de leurs recherches. L’étude présentée ici a examiné tout d’abord les perceptions intimes, sensorielles et émotionnelles qui se manifestent dans des « zones de danger ». Elle fait la chronique de quelques-uns des mouvements qui ont lieu sur ou en contournant, les bords escarpés. En d’autres termes, par le résidu de l’action incarnée, cette démarche visait à concilier voire à dépasser certaines des dichotomies structurelles entre le lieu et les non-lieux, la division corps-esprit, les risques individuels vis-à-vis les dangers de ceux qui sont collectivement connus, socialement construits et vécus en commun. Ainsi, de tels efforts pourraient nous aider à renouveler la pratique de l’ethnographie et sa portée euristique.
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[1] Cet article est basé en partie sur la présentation de mes travaux à l’occasion de la conférence de la EASA (Uncertainty and Disquiet) en 2012 à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Je remercie Manon Istasse et Véronique Dassié pour avoir organisé le panneau W109 et Véronique Dassié et Virginie Valentin pour leur aide éditoriale. Merci aussi à Jean François Minot, Jean-Sébastien Marcoux, et Alexandre Nurit. Cette recherche a bénéficié du soutien de l’agence de recherche estonien pour le financement du projet (IUT3-2) ‘Culturescapes in Transformation, et du Centre d’Excellence en Théorie Culturelle (CECT) avec l’assistance du Fonds de Développement de l’Union Européenne
[2] « Travailler dur, s’amuser un maximum », cette devise britannique initialement associée à un mode d’apprentissage universitaire avant d’être détournée dans les années 1980 comme mode de management associé à une culture d’entreprise organisationnelle dans le monde du travail, a été récemment popularisée par le rappeur américain Wiz Khalifa (2012) et par le DJ français David Ghetta (2013).
[3] Je remercie le professeur JS Marcoux de l’HEC pour ses remarques à ce sujet. Voir aussi l’étude de son étudiant (Mireault, 2013).
[4] On peut cependant rappeler les travaux de Daniel Fabre sur la place de la prise de risque et du jeu avec la mort dans la construction sociale des sexes (CF. Fabre 1999).
[5] Traduction par P.L. : « In the landscape of contemporary research practice I want to make the claim, for Anthropology, (p2) […] to procure the data that will enable individuality and humanity to speak to one another. How has this individual life deployed the human capacities of which it is comprised ? What does this individual embodiment make manifest the humanity of which it is an instantiation »