Introduction :
Cet article est la présentation résumée d’une thèse de Doctorat de Philosophie que nous avons soutenu en octobre 2014 à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense et qui portait justement ce titre et ce sous-titre. Le but avoué de ce travail universitaire est de faire reconnaître la parole de ceux qui se désignent sous le nom collectif d’usagers en santé mentale en contribuant, par un travail théorique exigeant et rigoureux, à faire entendre la validité de leur propos.
De manière polémique, nous avons, dans le passé, tenu deux propos complémentaires : Le premier était de dire que : « Aussi vrai que la folie existe, “le-fou” n’existe pas ». L’autre de prétendre que :« Le jour où des personnes peu habituées à parler seront entendues par des personnes peu habituées à écouter, de grandes choses pourront arriver. » Aujourd’hui, l’heure est venue pour nous d’étayer ces propos. La démarche que nous avons entreprise est de dépasser la pétition de principe, aussi moralement justifiée nous paraisse-t-elle par la générosité qui la sous-tend, pour interroger les fondements de notre prise de position. Cela nous a paru d’autant plus nécessaire que nous avions souvent l’impression de tenir des propos subversifs, des discours à contre-courant de la pensée la plus couramment admise sur la question, quand bien même nous avions le sentiment de dire des évidences.
Nous avons voulu comprendre le phénomène, comprendre comment y remédier, car la seule pétition de principe, justifiée par le refus, ne nous paraissait pas suffisante, quand bien même le sentiment de révolte que cela inspire nous semble légitime.
Posé comme énigme de recherche, le problème se formulait ainsi : peut-on considérer les personnes en souffrance psychique comme des personnes à part entière et non comme des personnes à part ? Comment pouvoir passer de la disqualification au respect des intéressés ?
L’énigme posée est celle de savoir si...
Avoir un coup de foudre est une expression courante en français pour exprimer l’attirance irrésistible que nous éprouvons envers un objet ou une personne que l’on vient de rencontrer d’une manière inattendue. On peut avoir un coup de foudre pour un appartement, pour une robe et bien sûr, pour un(e) inconnu(e) qui apparait comme LA PERSONNE avec qui l’on a toujours rêvé de passer le reste de sa vie. Le coup de foudre amoureux est la découverte de cette moitié attendue depuis le plus jeune âge, de ce double qui nous renvoie notre propre image comme s’il s’agissait du reflet d’un miroir. C’est un phénomène mystérieux qui nous montre les limites de ce que l’on peut expliquer, c’est-à-dire, de ce qui est rationnel et qui provoque en nous, surement pour cela, une profonde stupéfaction similaire à l’engourdissement produit par l’électricité [1] Inspiré par cette analogie, le poète Heinrich Heine s’interrogeait ainsi, sur l’essence de l’amour au début du dix-neuvième siècle :
Ce que sont les coups de bâton, on le sait ; mais ce qu’est l’amour, personne encore ne l’a découvert. Quelques philosophes modernes ont soutenu que c’était une sorte d’électricité. Cela est possible ; car, dans le moment où l’on s’amourache, on sent comme un rayon électrique de l’œil de l’objet aimé qui frappe droit dans le cœur (Heine, 1834, p. 226).
C’est précisément ce caractère énigmatique du coup de foudre qui nous invite à nous interroger sur sa nature, ainsi que sur les particularités qui peuvent entrainer l’expression française de l’expérience de cette attirance physique irrésistible et inexplicable par rapport à d’autres univers culturels. Bien que nous puissions constater des représentations similaires de l’amour subit et sauvage dans toutes les langues comme love at first sight en anglais et Liebe auf der ersten Blick en allemand qui font référence à la vue, ou...
« Je me suis souvent demandé quelle serait mon attitude s’il m’arrivait d’être interrogé par un ethnologue ; aujourd’hui je n’hésite guère sur la réponse : je le mettrais à la porte sans autre forme de procès » !
(Emmanuel Terray, 1988, p. 42).
« Faire du terrain » en suivant le parcours des sentiments contrastés, est un exercice éprouvant dont je voudrais évoquer dans cet article la perspective d’une remise en cause, indépendamment du contenu scientifique des acquis du terrain, dans l’intérêt du travail ethnographique pratiqué sur un chantier qui mériterait d’être révisé.
J’aurai recours à mon expérience personnelle vécue, successivement, sur deux terrains dissemblables, le premier en Iran, le second en France, pour tenter de réaliser cette analyse contrastive dans ses dimensions affectives : en partant des circonstances où celles-ci peuvent naître, s’installer ou devenir peut-être l’enjeu des rapports réciproques entre « l’enquêteur » et les « enquêtés ». Car, lorsque nous ethnographes, ethnologues, anthropologues, prétendons « faire du terrain », nous posons-nous la question de savoir « qui fait quoi et pour quoi » ?
Cependant ce n’est pas une question facile à laquelle j’ai décidé de répondre, car il ne s’agit pas tant d’une ethnologie des émotions, que d’une analyse de ses propres émotions dans l’expérience ethnologique, ce qui requiert de dévoiler ses propres affects (donnés ou reçus) afin de les faire devenir objet de réflexion pour l’ethnologie. Soudière écrit : « Le terme “terrain” est générateur de culpabilisation ». Cette notion, je vais essayer de l’aborder en vivant ma première expérience de terrain, consciente qu’elle exigera de moi des révisions et des réponses à certaines questions qui nous préoccupent dans notre pratique du terrain, puisqu’il est attesté que nos tentatives et notre prétention à connaître l’autre nous perturbent bien plutôt en...
Marcel Mauss avait démontré au début du siècle dernier que le corps est le premier outil technique de l’homme (Mauss, 1995) et Jean-Marc Leveratto a relu ce texte fondateur de l’anthropologie du corps en soulignant qu’il mettait au centre de l’étude anthropologique la valeur affective et la réalité émotionnelle des techniques du corps (Leveratto, 2006 : 34). La technique corporelle de la danse sculptant le corps des danseurs, la création chorégraphique « révèle » le sujet, pour utiliser la métaphore du développement photographique. Freud décrivait le moi, instance du sujet en ces termes : « Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais lui-même la projection d’une surface » (Freud, 1991 : 270). Il précisait que le moi est dérivé des sensations corporelles et représente l’appareil mental. C’est dire la place que le corps occupe dans le processus de subjectivation. Par ailleurs, Vincent De Gaulejac a largement mis en évidence le fait que la narration est un mode de subjectivation créative [36] (De Gaulejac, 2009 : 67-70). Il a en effet montré que le processus de subjectivation est lié à un tri dans l’histoire personnelle de chaque sujet, à une construction identitaire réalisée à travers un récit de soi passant par la création artistique et par l’utilisation de la langue comme du langage non-verbal. Pour le sociologue clinicien, il s’agit d’une recréation de soi qui donne un sens à sa propre histoire (De Gaulejac, 2009 : 184-185).
Je montrerai ici que la chorégraphie en solo permet aux danseurs de penser leur identité, en particulier lorsque les nécessités d’une biographie prise dans les remous de l’Histoire obligent à "s’inventer". Cette étude est l’occasion d’approfondir la réflexion sur le processus de construction identitaire et de subjectivation : s’il est effet de la narration, la précision du travail de terrain, en croisant observations et...
En 1921, Marcel Mauss, dont on sait combien il a été un précurseur dans de nombreux champs socio-anthropologiques, rédigeait « L’expression obligatoire des sentiments », premier article en science sociale faisant état de la dimension sociale des émotions et de la ritualisation des usages du corps qui y sont liées. L’anthropologue invitait à voir les sentiments comme « non pas des phénomènes exclusivement psychologiques, ou physiologiques, mais des phénomènes sociaux, marqués éminemment du signe de la non-spontanéité, et de l’obligation la plus parfaite » (Mauss 1968, p. 81). Ce parti-pris allait alors à l’encontre des perspectives freudiennes selon lesquelles « les résidus d’expériences émotives » (Freud 1966, p. 15) constitueraient un ressort fondamental de la vie psychique et par conséquent une voie d’accès à la compréhension du comportement individuel. Dès 1909, Freud avait en effet établi un lien de causalité entre les désordres psycho-physiologiques et les événements qui marquent l’histoire personnelle d’une empreinte affective [63]. Les réflexions de Mauss n’ont toutefois eu que peu de prolongements durant cette première moitié du XXe siècle. Il fallut attendre les années 1950 pour que les émotions refassent peu à peu surface dans les questionnements des sciences sociales avant de conduire à l’explosion éditoriale que l’on voit aujourd’hui.
Les émotions sont pourtant au cœur de toute rencontre avec autrui et le principe d’enquête de terrain proposé par l’ethnologie y a d’emblée confrontée les chercheurs en posture d’observation des autres. Dans son journal de bord, Malinowski a ainsi dès les années 1920 rendu compte de son empathie mais aussi du dégoût et des angoisses ressentis lors de son séjour auprès des Trobriandais. La publication posthume de ce témoignage (Malinowski, 1967) a néanmoins causé la stupeur de la communauté scientifique. Rendre publique les émotions du...
Vous pourrez lire très prochainement dans nos pages l’article de Sébastien Chapellon et Frédéric Bondil intitulé « La simulation de maladie mentale : La simulation comme maladie mentale ? »
Sébastien Chapellon est Docteur en psychologie et Enseignant à l’Université Antilles-Guyane. Sa pratique est centrée sur les groupes, auprès d’institutions médico-sociales.
Frédéric Bondil est Maître de conférences en droit privé à l’Université Antilles-Guyane et Chercheur au CERJDA.
« J’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées » ,
Marcel Proust.
Cet article revient sur une étape décisive qu’il a fallu franchir au cours de ma thèse, laquelle portait sur l’expérience de l’économie souterraine par des adolescents et de jeunes adultes dans un quartier populaire de la banlieue parisienne [66]. Un quartier qui avait pour particularité d’être celui de mon enfance, là où je fus éduqué familialement, où je reçus l’instruction élémentaire, où je traînais mes baskets dans l’ascenseur, la cage d’escalier et la cave de l’immeuble (autant de terrains de jeu), où je fis mes premiers jobs, bref, où j’avais une myriade d’amis qui constituaient potentiellement des ressources pour mon travail de terrain. Fort de ce réseau dense, il me parut évident de sonder des connaissances familières pour interroger ce qui, d’ordinaire, ne se livre pas au grand jour. L’étape décisive dont il est question ici renvoie à l’opération d’une conversion du regard à laquelle les enquêtés et moi-même avions du nous livrer pour pouvoir discuter librement de quelques énigmes économiques dans la cité. Ainsi, j’allais confiant dans cette démarche consistant à glaner des contacts « fiables » jusqu’au moment où, assez vite, je butais contre un mutisme et des regards défiant aussi bien l’étude que les relations établies. Un constat s’imposait à moi : mon terrain d’étude n’était pas celui du « bizness » , entendu par là que le « bizness » dans mon quartier d’enfance ne se livrait pas aussi aisément à l’étude sociologique. La conséquence fut que des camarades ignorèrent mes questions, ce qui plombait l’ambiance car leur silence opérait comme une sentence pudique toute aussi brutale qu’amicale. Ainsi, je devais comprendre par moi-même que je dérogeais à certaines règles de la civilité ordinaire en pratiquant l’enquête sociologique comme si de rien...
Des histoires de linge et de vêtements viennent régulièrement interroger les relations et les liens dans ma pratique de psychologue et de thérapeute. Ayant travaillé dans des services de soin psychiatrique, en consultation thérapeutique individuelle et familiale et actuellement dans des Maisons d’Enfants et services d’accueil et d’accompagnement de jeunes ainsi que de familles, j’ai souvent rencontré des histoires autour des vêtements. Dans les institutions d’accueil où le soin du linge était confié à des professionnels, c’est parfois un sujet de tensions, de conflits entre la personne accueillie, sa famille et les équipes : cela fait des histoires. Lorsque j’ai commencé à partager mes réflexions lors de conférences ou de débats, j’ai toujours été surpris que des inconnus, mais aussi des collègues, qui ne partagent pas habituellement leur intimité viennent me confier des histoires personnelles, des moments intimes, des souvenirs, des émotions suscités par des objets textiles. Il est rare que la question de l’habillement laisse indifférent. Comment vient-elle faire vibrer les affects ? Si, comme le dit Serge Lebovici, « nous naissons dans un bain d’affect » (Lebovici, 1998, p. 19 ), nous naissons aussi dans un bain d’objets.
Ces objets, et parmi eux le linge et l’habit, n’ont pas tous la même fonction, le même statut ni la même valeur affective dans les relations intersubjectives et dans la construction des liens. En tant qu’enveloppe textile le vêtement peut contenir l’histoire de ces liens, de l’investissement affectif ainsi que la manière dont l’individu s’inscrit dans une famille, dans une culture. Le terme investir vient de vestim, et renvoie à revêtir, entourer étroitement. Dans le modèle de la métapsychologie de Freud, l’investissement implique une charge d’affect et de représentations qui circulent dans la relation à l’autre et dans les liens intrapsychiques. Mon propos est de...
Depuis que le Code pénal napoléonien et son célèbre article 64 ont clairement démenti [81] la vieille formule selon laquelle les criminels devaient être « guéris en place de grève », le manque de discernement lié à une maladie mentale constitue une source d’immunité pour les délinquants, mêmes auteurs des plus grands crimes. Pour des personnes parfaitement saines d’esprit, la tentation peut dès lors venir de travestir leurs méfaits en passage à l’acte délirant. Il s’agit de saisir l’aubaine d’échapper aux foudres de la loi pénale et des juridictions répressives pour bénéficier du statut protecteur attaché à un prétendu état de malade. On peut se rappeler le film de Miloš Forman, Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), dans lequel le personnage principal se fait volontairement enfermer en milieu asilaire pour échapper à la prison.
A vrai dire, dans le droit français contemporain, se faire passer pour « fou » risque toutefois de n’avoir qu’un intérêt assez limité, ou même d’aggraver la situation du délinquant qui recourt à ce stratagème. En effet, selon le dispositif issu du Code pénal de 1992-1994, il n’échappera nullement à une condamnation s’il parvient seulement à convaincre les juges que son discernement était « altéré » , et non pas « aboli », au moment des faits (Code Pénal, article L. 122-1). Cette simulation, à moitié réussie, ne lui vaudra même pas systématiquement une atténuation de la sanction. Les juges peuvent, au contraire, être enclins à conclure à un état dangereux justifiant le prononcé de la peine la plus lourde possible (A. Blanc, 2007).
Quant au simulateur plus ingénieux, qui sait faire admettre sa folie complète, la reconnaissance de son irresponsabilité pénale ne le laissera pas si facilement libre de toute contrainte. Il fera généralement l’objet d’une mesure d’admission en hôpital psychiatrique, pour une durée qu’il pourra avoir...
Cette recherche prend appui sur une pratique de la sténopéphotographie prise dans sa singularité – celle de l’auteur. L’accent y est mis sur des manifestations visuelles marginales qui permettent d’interroger la vision, le regard, à partir de phénomènes discrets, périphériques, en dehors du champ central de la vision, là où l’image est la plus nette, la mieux informée, se décentrant, déplaçant l’attention vers les bords, à la marge de ce que l’observation tient habituellement pour important : accepter le flou et l’indéterminé pour laisser venir à soi une autre forme de vision, au péril de l’informe, au risque de se perdre dans l’image autant pour l’opérateur que pour l’observateur.
Comment dire l’invisible ? Comment exprimer d’infimes sensations visuelles ? Comment faire droit à des manifestations à la marge de la vision ?
Aux marges du visible, la sténopéphotographie, photographie pratiquée avec une simple boîte noire (une camera obscura) percée d’un trou minuscule en guise d’objectif (un sténopé), nous porte ici à questionner la vision, entre vision humaine et vision appareillée. Cette réflexion s’appuie sur une expérimentation autour du visible, s’inscrit dans le cadre d’une démarche artistique dans laquelle la sténopéphotographie s’attache aux impressions visuelles de l’opérateur. La démarche s’appuie sur l’expérimentation, se nourrit d’aléas susceptibles de perturber, de questionner la pratique photographique. Le parti pris est le suivant : la ressemblance avec le sujet photographié n’est plus de mise : ce sont les accidents du dispositif qui retiennent notre attention. Dans un tel contexte, la sténopéphotographie avec ses images parfois très brouillées, à peine lisibles, dissemblables du sujet photographié, semble n’être plus qu’à elle-même, mettant en avant le dispositif employé - essentiellement par ses faiblesses - dans les imperfections de formation de...
« (...) ce que l’on attend d’un regard humain, jamais on ne le rencontre
chez Baudelaire. Il décrit des yeux qui ont perdu, pour ainsi dire, le pouvoir de regarder. »
Walter Benjamin, 1939, p. 201
Todorov (1995) considère le besoin d’être regardé comme un besoin constitutif de l’humain : par ce comportement par lequel l’individu cherche à capter le regard d’autrui par différentes facettes de son être, de son physique, de son intelligence, de sa voix ou de son silence, l’acteur tenterait d’être reconnu par ses pairs. Par le regard, les autres confirmeraient donc notre existence. Rousseau va de même jusqu’à affirmer qu’il n’est pas d’existence humaine sans le regard que nous portons les uns sur les autres ; il nous permettrait de combler un « désir universel de réputation, d’honneurs et de préférences ».
Or, aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, et notamment dans la société dite « des écrans », il semblerait que ce besoin d’être regardé soit devenu inassouvissable. Aujourd’hui, les écrans sont partout et nous permettent de voir et d’être en contact continu avec le monde. Les nouvelles technologies ont permis à l’individu de faire preuve d’ubiquité. Il peut être partout à la fois, partager ses opinions et ses photographies, apprécier ou haïr, être vu et voir l’autre, et ce, depuis une contrée lointaine à la seule force d’un clic. Toutes sortes de sites visant à s’exposer en continu ont fait surface dont Facebook, Instagram, Snapchat, Youtube n’en représentent qu’une liste non-exhaustive. L’« Avatar », à savoir l’incarnation, ou encore le « profil » sont autant de moyens usités par les acteurs pour faire acte de « présence » sur Internet (Casilli, 2010). Aujourd’hui, l’individu est confronté à « une multitude de regards qui l’observent, le scrutent ou l’ignorent, le délaissent » (Haroche, 2011, p. 85).
Par...
Les années 1930 incarnent la décade de la photographie dans la presse. Alors que les journaux informatifs introduisent peu à peu dans leurs pages la photographie, les magazines illustrés - nouveaux nés de la presse - érigent les images comme figure centrale d’un nouveau discours narratif et se spécialisent dans des thématiques singulières comme Voilà, Marianne, Vu, etc. Apparue en octobre 1928 sous l’égide de ZED-publication, filiale non avouée de la maison d’édition Gallimard, la revue Détective développe une rhétorique de l’image répondant à la fois aux aspirations de l’époque dont au premier chef le nouveau diktat de la photographie dans la presse mais également à un discours unique et complexe. A l’heure où le désir de « voir » [167] supplante la probité de l’information, le cas de Détective soulève des particularités définies par sa thématique spécialisée : le fait divers. Bien que majoritairement laissée pour compte, l’iconographie vernaculaire porte pourtant intrinsèquement les structures des avant-gardes du XXe siècle et incarne les axes fondateurs des réflexions engagées par l’art. L’analyse du corpus de Détective permet de comprendre l’intérêt que ses contemporains ont pu lui accorder, notamment les surréalistes et contribue à écrire, pour reprendre les termes d’Anne McCauley, « une histoire alternative » [168] à l’Histoire de l’art, « […] celles des moments et des lieux où les premiers chercheurs, les premiers artistes, ont commencé à regarder, à collecter ou à faire l’éloge du tout-venant photographique. » [169]
Cantonné jusqu’alors à quelques colonnes dans les périodiques informatifs, Détective est le premier en France à allouer l’intégralité de ses pages à cette rubrique secondaire, bouleversant les codes traditionnels du fait divers dont la seule valeur et définition résident dans son opposition à toutes les autres catégories (politiques, économiques,...
L’œil du peintre, ouvert sur le monde, trouve sans doute l’une de ses allégories les plus opératoires dans l’orbe du miroir dont la surface réflexive, comme le regard, capte les images, les recompose et reproduit l’image d’objets placés face à lui. A l’objet miroir peut donc être naturellement associée une relation analogique entre la réalité virtuelle que ce dernier restitue spontanément et la recréation artificielle du réel opérée par l’œil du peintre. Le recours à l’objet miroir s’impose dès lors comme l’un des signes « poétiques » les plus efficients pour sonder, en un temps et un lieu donnés la posture ontologique du regard de l’artiste, son parti pris : le miroir apparaît en d’autres termes, au-delà de son simple intercesseur technique, comme son chronotope [223].
Cette analogie signifiante entre la réflexion de l’œil de l’artiste et celle du miroir explicitement intégré dans la représentation, fut particulièrement expérimentée durant le Maniérisme italien, l’une des périodes de production artistique les plus enclines à expérimenter les distorsions du champ de vision naturel autorisées par le medium du miroir. Ces distorsions du regard, dont le miroir se fait l’explicite écho figuratif, sont révélatrices des points de vue déviants qui sont alors en train de s’opérer, transformant la conception et fonction même de l’œil de l’artiste [224], après plus de deux siècles de règne sans partage du point de fuite perspectif, unique et rassurant [225]. Notre propos sera ici d’illustrer de quelle manière l’exactitude du reflet du miroir plan, instrument privilégié par le peintre de la Renaissance pour observer et mesurer exactement le monde, selon les lois de la perspective optique, se chargea dans les représentations du début du XVIe siècle d’une valeur et d’une fonction déviantes. Nous examinerons en particulier la dislocation de la perception qui, en écho aux temps...
« Dans la vie de tous les jours chacun peut jouer différents rôles mais jamais s’y absorber complètement, nous sommes en même temps chez nous-mêmes et chez autrui, ce que ne peut pas faire le mélancolique » B. Kimura, 1992 [243]
Si une réflexion autour des rôles sociaux existe depuis que le fait social et anthropologique existe, la réflexion autour de la conscience interne qu’on a de ces rôles appartient à la modernité.
Notre étude commencera par une question : « Qu’est-ce, en fait, qu’un rôle et à quoi sert-il ? ». C’est suite aux recherches menées sur ce concept que nous pouvons affirmer aujourd’hui que le rôle est un médiateur anthropologique dans la relation qui se crée entre l’Individu et le monde et qui permet les échanges entre les individus et la société. Il est important de mettre l’accent sur l’attitude que l’Individu peut avoir vis-à-vis des rôles sociaux. Dans la plupart des cas, un rôle est assumé mais il peut aussi n’être assumé que partiellement, être négligé, ignoré ou refusé.
Dans ce contexte, ce sont les défaillances de rôle qui nous intéressent. Nous allons voir que chez le sujet « vulnérable » à la mélancolie et chez le désinvolte, la relation générale à ces rôles échoue.
Relier la conscience de rôle aux personnalités pathologiques nous situe sur un plan qui n’est pas encore de l’ordre du pathologique proprement dit mais qui nous emmène sur un plan plus général, de l’ordre du patho-éducatif. Ce plan suppose de concevoir le champ social comme un champ de rôles.
Le contexte où se développent les premières réflexions autour de la notion de rôle a été le focus de débats très chargés idéologiquement. L’importance du rôle a été, par moments, exaltée et élevée au rang de clé de lecture anthropo-sociologique des mécanismes sociaux et des échanges intersubjectifs et, par moments, maltraitée par les théories...
Depuis quelques années, la question de la migration africaine dans le monde demeure l’une des préoccupations majeures en Europe, précisément chez les chercheurs et hommes politiques français. Dès le départ, « essentiellement régionales dans les pays du Sud, les migrations vers l’Europe se sont concentrées dans les pays de l’Union européenne qui compte dix-neuf millions d’étrangers, soit 5 % de la population » (Réa & Tripier, 2003 : 3). Mais, le choix de la destination des immigrés africains à travers le monde ne se fait pas au hasard. Pour le cas de la France comme choix de destination, cela date d’une longue histoire entre ce pays et ses anciennes colonies. Plusieurs raisons sont à mettre au profit en tenant compte de l’orientation des politiques de l’immigration des différents gouvernements français. D’abord, après la Seconde Guerre mondiale, la France, de par sa situation géographique qui en fait un lieu de croisement des commerces et des populations, puis par son histoire d’ancienne puissance coloniale, fait venir des travailleurs africains noirs pour la reconstruction du pays. Ensuite, dans les années 1960, l’émigration vers ce pays connaitra un développement inattendu, à la faveur de deux facteurs principaux. Premièrement, la France signe avec ses anciennes colonies du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal une convention permettant aux ressortissants de ces pays de rentrer librement en France. Deuxièmement, en prévention de l’indépendance de l’Algérie, le patronat français a facilité la venue des travailleurs noirs en guise de main-d’œuvre de substitution (Traoré, 1994 : 64).
Si le contexte de recrutement de travailleurs étrangers a favorisé une grande partie des ressortissants de la méditerranée, pour ce qui est de l’immigration africaine, en particulier celle des Africains subsahariens, le fait d’émigrer demeure et reste une affaire de projet qui se prépare longtemps pour les...
« "Être ou avoir été", jusqu’à mettre en question l’identité,
la consistance, l’existence même de l’artiste et de (son ?) œuvre » [308].
Dès ses débuts, l’activité de Giulio Paolini semble absolument insolite dans le panorama artistique italien des années soixante et soixante-dix. En effet les œuvres emblématiques de l’artiste instaurent une relation de grande proximité avec l’histoire de l’art, un dialogue assez éloigné des velléités de rupture qui traversent sa génération. Ainsi, les rapprochements de l’œuvre de Giulio Paolini avec l’Arte Povera s’établissent sur le plan de la pratique et non pas sur le plan du résultat de cette pratique. L’opération d’abstraction à laquelle se livre l’artiste pourrait bien être le véritable lien qui l’unit au projet d’un art pauvre. Il procède donc, non plus par accumulation, mais par retrait, en exploitant le substrat de ce qui a été.
Les colonnes, les statues, les plâtres brisés sont autant d’objets qui viennent constituer l’iconographie et la matière des réalisations de Giulio Paolini. L’artiste s’approprie des fragments de l’antiquité classique et les fait communiquer avec le présent. Il explore alors abondamment le champ lexical qu’offre l’archéologie pour l’étendre à son mode de réalisation artistique. Ce déplacement apparaît comme un moyen pour remettre en question l’ensemble des éléments de l’expérience artistique : l’objet, le lieu d’exposition, le spectateur jusqu’à l’artiste en tant que tel.
Le discours de Giulio Paolini se réfère à la conception artistique et se place ainsi en amont de la réalisation. Il fait en effet reposer sa création sur une affirmation : « L’œuvre préexiste à l’intervention de l’artiste » [309]. Cela signifie explicitement que le travail ne se situe plus au niveau de la production matérielle, qu’elle soit picturale ou en volume. L’artiste -qui parle d’ailleurs volontiers en qualité d’auteur, terme plus générique ou plus...
Du 20 juin au 8 octobre 1972 s’est tenue la cinquième édition de la Documenta, à la Neue Galerie et au musée Fridericianum de Kassel. Cet événement, créé en 1955 par Arnold Bode et Werner Haftmann, a pour fonction de proposer un panorama de l’art actuel selon une périodicité qui varie de quatre à cinq ans. La d5 a été organisée par Harald Szeemann et constitue une référence incontournable dans l’histoire des expositions. Elle marque une refonte durable de la structure administrative de la Documenta, avec la nomination de Szemmann en tant que « secrétaire général ». Ce statut instaure une délégation unique inédite dans l’histoire de la manifestation, jusqu’alors dirigée par un conseil scientifique. Szeemann est à la tête d’une équipe de conseillers composée d’Arnold Bode, Jean-Christope Ammann, Bazon Brock, Peter Iden Karlheinz Braun et Alexander Kluge, aux côtés desquels des collaborateurs externes ont la charge des différentes sections thématiques [i]. La d5 se démarque par ailleurs des éditions précédentes par son positionnement : l’exposition propose certes une synthèse de l’actualité artistique avec les œuvres de 217 artistes internationaux, mais elle présente conjointement des objets qui ne ressortissent pas de la sphère artistique. Sont ainsi exposés des objets qui relèvent de la tradition populaire, de l’imagerie politique, de la publicité, de l’art religieux ou encore de la catégorie intermédiaire de l’Art Brut. L’hétérogénéité de ce corpus est motivée par la position programmatique de l’exposition, annoncée dans son titre : d5. Enquête sur la réalité – Imageries d’aujourd’hui. Voir mieux avec documenta 5. Harald Szeemann exprime les intentions de la d5 comme n’étant pas circonscrites à son rôle de forum international de l’art contemporain :
« La d5 a le caractère fertile et actif d’une exposition d’art et offre, en supplément, des références sur les...
Les appellations d’origine sont des signes de qualité désignant des produits caractéristiques de leur zone géographique. La France a été à l’origine de ce concept, qui a vu le jour le 30 juillet 1935 [352]. L’Union européenne se dote de signes de qualité pour les pays membres en 1992 : c’est l’apparition des AOP [353] mais aussi des IGP. La définition figure dans le règlement CE n°510/2006. Depuis, de très nombreux travaux de géographes et d’économistes ont été publiés sur les produits agroalimentaires avec signes de qualité. Parmi ces travaux nous pouvons citer les thèses brillantes de Frayssignes (2005) ou de Perrin (2009). Cependant, si les études sont très nombreuses sur le vin ou les fromages, elles le sont moins sur les huiles essentielles, qui méritent que l’on y consacre une réflexion originale. En effet, c’est en 1981 qu’a été promulguée l’AOC « Huile Essentielle de Lavande de Provence » tandis que la décennie 2000-2010 a vu apparaître l’AOP « Huile Essentielle de Bergamote de Calabre » (en 2001) ainsi que la mise en place de l’IGP « Fleurs d’Exception du Pays de Grasse » (dès 2008). La lavande est le premier produit agricole non-alimentaire à bénéficier de ce label, tandis que les autres cultures précitées ont été certifiées à un moment où l’authenticité et les produits naturels sont au cœur des préoccupations
des professionnels de la parfumerie de luxe. De plus, elles participent au développement territorial mais restent néanmoins des productions marginales qui ont la particularité de correspondre à des filières d’excellence profondément mondialisées. L’objectif de ces signes de qualité est de protéger la typicité de ces productions, de les valoriser et de préserver les savoir-faire.
Notre réflexion vise à mettre en lumière les objectifs de leur développement, en s’interrogeant sur le lien produit-territoire, qui est le socle du principe des...
Les juristes souhaitent-ils et peuvent-ils contribuer à une revue des croisements scientifiques, i.e. une revue pluri/inter/trans-disciplinaire, telle qu’Influxus se propose de l’être ? L’auteur des présentes lignes étant lui-même juriste, il semble que oui. Néanmoins, il convient de pousser la réflexion plus avant. Tout d’abord, ledit auteur ne prétend certainement pas représenter la communauté des juristes en son ensemble, ce qui implique que l’objectivité et l’empirisme doivent être mobilisés avant toutes autres choses au sein de cette étude. Ensuite, il est membre d’un laboratoire qui, bien que rattaché à une Faculté de droit et de science politique, revêt l’étonnante particularité de se présenter explicitement comme « interdisciplinaire ». Or, si nombreuses sont les institutions qui se proposent de briser les frontières parmi les sciences humaines, les juristes ne paraissent pas vouloir participer au mouvement puisque le LID2MS [364] est le seul laboratoire, centre ou institut de recherche français à mêler le juridique et l’interdisciplinaire [365]. Ce constat n’est d’ailleurs guère valable à l’étranger puisque la Belgique, la Suisse ou le Québec comptent, de leur côté, différentes unités de recherche compilant les termes « droit » et « interdisciplinaire ». L’Université Saint-Louis de Bruxelles publie même, depuis plus de trente ans, une Revue interdisciplinaire d’études juridiques à laquelle ont participé les pensées juridiques les plus abouties. En France plus qu’ailleurs, donc, les Facultés de droit sont refermées sur elles-mêmes, vivent en complète autarcie et acceptent peu — si ce n’est pas — l’ouverture au « non-droit scientifique ».
La livraison de novembre 2013 de le revue Hermès s’intitule « interdisciplinarité : entre disciplines et indiscipline » ; on ne saurait dire mieux. Respecter les frontières de sa discipline, c’est être discipliné ; chercher à les...
Nous nous intéressons ici à un texte de Schopenhauer intitulé “Dialectica eristica”, traduit en français par l’art d’avoir toujours raison [464], texte souvent qualifié de mineur ou de digression philosophique. Nous proposons alors une digression de la digression. Il ne s’agit pas de développer un propos philosophique ni une étude des jeux logiques à la mode médiévale. En fait, ce texte nous interpelle car il fait écho à l’actualité de la logique contemporaine. Dans ce texte Schopenhauer se propose de définir la dialectique comme l’art de gagner les controverses indépendamment de la recherche de la vérité ; or c’est en “libérant” les preuves formelles de la stricte recherche de la vérité que J.-Y. Girard a proposé une nouvelle théorie logique : la Ludique [Girard-01]. Dans ce texte fondateur, son auteur qualifie cette théorie d’approche purement interactive de la Logique ; nous sommes alors curieux de faire résonner cette approche radicalement nouvelle en logique mathématique dans d’autres champs concernés de près ou de loin par la logique : la dialectique ici, la pragmatique plus généralement.
Parmi les caractéristiques originales et prometteuses de la Ludique on trouve l’abolition d’une dualité qui résistait jusqu’alors en logique : la dualité syntaxe/sémantique. Le dépassement de cette dualité est l’aboutissement d’un changement de point de vue : la Ludique privilégie le point de vue internaliste ; la connaissance d’un objet ne se fait pas via le passage dans un autre monde [465], mais via le résultat de ses interactions avec des objets de même nature. Ainsi que le décrit C. Faggian [Faggian-02b], ce dépassement est réalisé dans le monde des preuves formelles par un double processus : l’abstraction de la syntaxe ; la concrétisation de la sémantique. D’une part on manipule des objets plus généraux que des preuves formelles, en particulier on donne un statut à des preuves qui se terminent par un échec...
Lorsque l’on m’a proposé de faire un exposé sur le thème « les catégories dans les sciences », j’ai été un peu surpris et j’ai éprouvé un sentiment d’hésitation. En effet, si j’ai bien compris la demande, le concept de catégorie est pris ici dans son sens général, et est posé comme objet d’un débat interdisciplinaire. Or, s’il est exact que je suis bien un catégoricien, c’est-à-dire un spécialiste de cette discipline mathématique que l’on appelle la théorie des catégories - ce qui semble donner du sens à ma participation à un tel débat - je me suis d’abord demandé s’il n’y avait pas comme une erreur de casting, et ma première réaction a donc été presque négative. En effet, la pertinence du mot « catégorie » dans l’intitulé de ma discipline n’est pas très claire et on peut estimer que ses origines sont à la fois obscures et discutables [495]. Je me suis donc, avant tout, interrogé sur le rapport qu’il pouvait y avoir entre les différentes acceptions usuelles et philosophiques du mot catégorie et le concept qui porte ce même nom en théorie des catégories ? Et, question subsidiaire, quelle est la liaison entre les idées mathématiques de catégorie et de classification, étant entendu que, au moins dans le langage courant, ces deux notions sont conceptuellement liées ?
Voilà donc les deux questions préalables que je me suis posées et dont les réponses, comme on va le comprendre, ne vont pas de soi.
D’une manière générale les mathématiciens, de même que les physiciens, les biologistes, etc. choisissent très librement leur terminologie pour désigner leurs objets d’étude ou leurs constructions idéelles. Personne ne se méprend quand un physicien nous parle de la saveur des quarks. De même, quand un mathématicien nous dit qu’il va « plonger un anneau dans un corps », on ne lui demande pas si...
Nous sommes tous différents les uns des autres
Non, pas moi !
Monty Python, La vie de Brian.
La citation extraite de La vie de Brian nous présente une situation paradoxale : comment un individu dans une assemblée peut-il ne pas être différent de tous les autres qui eux le sont ? L’extrait des Monty Python nous révèle à la fois un absurde comique, et un troublant manque de symétrie.
Car si l’on inverse la situation, la citation devient :
Nous sommes tous les mêmes
Non, pas moi !
et n’a plus rien de paradoxal. On est passé de l’humour britannique au culte du héros hollywoodien : il n’y a aucune difficulté, dans notre culture classique à imaginer un être différent de tous les autres, eux-mêmes égaux entre eux. Mais un être qui n’est pas différent de tous les autres qui le sont entre eux, seule la Mécanique Quantique peut le faire.
Les bosons aiment bien être tous dans le même état, les fermions ne le supportent pas. La situation du film des Monty Python est bien celle d’un boson plongé dans une assemblée de fermions. Cette dualité identitaire s’observe facilement dans le monde quantique, et est même primordiale. Il est en effet probable que la matière qui nous entoure ne serait pas stable si elle était constituée de bosons. Mais ce qui est tout à fait remarquable est qu’une propriété intrinsèque de particules, leur spin, gouverne ce comportement collectif.
La Mécanique Quantique, dans son besoin généreux de rétablir les symétries, plonge dans la réalité de la même façon l’humour britannique et Hollywood.
Mais si elle décerne ainsi des identités que le monde classique trouve extravagantes, elle n’en refuse pas moins une identité élémentaire aux particules dans un état intriqué, c’est-à-dire non factorisable. Ce phénomène d’intrication, que la Mécanique Quantique crée à loisir dès qu’il y a interaction, peut cependant être brisé à tout instant par l’opération de mesure qui rétablit...
La comparaison entre la physique classique et la mécanique quantique est intéressante pour une réflexion sur les catégories parce qu’à partir du milieu des années 1920, c’est-à-dire au moment où la mécanique quantique est élaborée, la nécessité de changements conceptuels importants est apparue de façon claire, aux yeux des physiciens d’abord, puis de tous ceux qui réfléchissaient sur la science : cette nouvelle théorie était trop différente de la mécanique classique ou de l’électromagnétisme du XIXe siècle pour qu’on puisse faire l’économie d’un profond remaniement de la grille conceptuelle utilisée jusqu’alors pour construire les théories physiques.
Comme nous allons essayer de le montrer ici, il n’était pas question de remanier à la marge les outils conceptuels, mais bien de rompre avec les concepts les plus généraux (et donc les plus usuels) qui structuraient la physique classique. C’est pour cette première raison qu’il nous semble légitime, à propos du passage de la physique classique à la mécanique quantique, de parler de changement de catégorie. Les catégories seront pour nous des concepts à la fois fondamentaux, au sens où ils sont les premiers éléments dans l’élaboration conceptuelle des théories, et larges, au sens où, pour construire les théories physiques, il faut aussi subdiviser de tels concepts en différentes sous-catégories ayant un sens physique. Bien sûr, en tant que catégories physiques, les catégories dont nous parlerons ici n’ont pas de raison d’être considérées uniquement comme de purs outils de pensée, sans lien avec une - supposée - réalité physique indépendante du sujet connaissant. Toutefois, il n’est pas besoin pour nous de prendre parti dans ce débat et de déterminer si les catégories expriment l’ordre inhérent au monde physique, ou bien si elles ne représentent que nos façons de penser. Les catégories physiques sont pour nous simplement les outils les plus...
The analysis of concepts, conducted on a comparative level if possible, as well as the (tentative) explanation of the philosophical project, should always accompany scientific work. In fact, critical reflections regarding existing theories are at the core of positive scientific constructions, because science is often constructed against the supposed tyranny and autonomy of « facts » which in reality are nothing but « small-scale theories ». Science is also often constructed by means of an audacious interpretation of « new » (and old) facts ; it progresses against the obvious and against common sense (le « bon sens ») ; it struggles against the illusions of immediate knowledge and must be capable of escaping from already established theoretical
frameworks. For example, the very high level of mathematical technicity in the geometry of Ptolemaic epicycles constructed from clearly observable facts strongly perplexed numerous Renaissance thinkers such as Copernicus, Kepler and Galileo… : in order to account for the movements of the stars and for the « obvious » immobility of the earth, circles that were added to circles, centers of new circles, were established with and extraordinary geometrical finesse and gave way to uncountably many « publications » (of very high Impact Factor, at least till the middle of the XVII century). Yet they
failed to convince the aforementioned revolutionary critical thinkers. And, as Bachelard rightly puts it, the construction of knowledge was then founded, as was Greek thought, upon an epistemological severance, which operates a separation with the previous ways of thinking.
But it is recent examples that interest us, where the critical view finds expression on a more punctual basis, by means of « negative results ». Let’s explain.
When Poincaré was working on the calculi of astronomers, on the dynamics of planets within their gravitational fields, he produced, by purely mathematical...
La prémisse de cette communication est la conception de la philosophie élaborée par Wittgenstein. Pour le penseur autrichien, et particulièrement dans ladite deuxième phase de sa pensée, la fonction essentielle de la philosophie est celle, critique et thérapeutique en même temps, d’affranchir l’humanité des illusions linguistiques, c’est-à-dire des maladies engendrées dans la pensée par la méprise des instruments communicatifs que les langues naturelles en même temps lui mettent à disposition et lui imposent. Ce que j’essayerai de faire ici, c’est justement d’appliquer cette conception du philosopher comme procédure critique et thérapeutique à la compréhension d’un épisode initial mais crucial de l’histoire de la philosophie. On peut définir cet événement théorique originaire comme l’absolutisation du négatif, ou l’absolutisation du non-être, et son importance relève du fait que, en vertu de sa nature initiale et fondatrice, cette opération a pesamment conditionné l’histoire entière de la philosophie occidentale.
Au sujet des débuts de la philosophie, et plus précisément du commencement grec de la philosophie occidentale, les opinions des philosophes sont fort divergentes. Dans le sillage de Nietzsche, Martin Heidegger a lu, par exemple, la philosophie grecque présocratique comme l’expérience d’une plénitude de vérité et d’une authenticité de vie qui ont été oubliées et trahies par l’histoire suivante de la civilisation et de la culture, de la pensée discursive et de la science représentative. Au contraire, avec son idée d’un sens progressif de l’histoire, d’une histoire conçue comme approfondissement de la compréhension que l’Esprit a de soi-même, Hegel a bien interprété la philosophie présocratique comme un lieu de la pensée, mais d’une pensée qui, précisément à cause de son caractère originaire, ne peut qu’être encore pauvre et abstraite,...
Linear Logic LL was introduced by Girard in 1986 [Gir87] as a refinement of classical and intuitionistic logic, in particular characterized by the introduction of new connectives (exponentials) which give a logical status to the operations of erasing and copying (corresponding to the structural rules of classical and intuitionistic sequent calculi). In other words, with Linear Logic, logical formulae really become physical resources, with a lot of almost immediate applications to Computer Science, spanning from the representation of operational aspects of programming languages and their evaluation strategies, to a dynamic definition of the notion of computational complexity, from linearity analysis and refined type synthesis for sequential languages, to the semantics of sequential and concurrent programming languages. Since its birth, Linear Logic has taken increasing importance in the field of logic in computer science ; it carried a set of completely original concepts (phase semantics, proof nets, coherent spaces,
geometry of interaction), rediscovered and put to use previous tools (*-autonomous categories, game semantics), and deeply renewed the field. So, Linear Logic is not only an elegant and powerful technical theory but, first of all, a source of methodological guidelines. We learned from the definition of LL that some logical connectives, which were considered atomic, are composite. In fact the essential property of LL is the decomposition of the intuitionistic implication in
. A linear implication represents a transformation process, that, taken as input one object belonging to ,
gives as output one object belonging to B. The modality ! denotes a different process, which gives explicit evidence to intensional
properties of the object to be transformed. These properties describe the potentiality of the object to be either duplicated or deleted during the transformation. So LL supports primitive operators for duplication and erasure,...
Au lieu de fonder la preuve sur l’application d’une multitude de règles d’inférences pour remonter de la proposition qu’on veut prouver vers les axiomes (on remonte en utilisant les règles d’élimination des connecteurs et les règles structurelles) Girard a proposé de la fonder sur une interaction entre les développements qui partent de la proposition qu’on veut prouver et ceux qui partent de sa contre-proposition. Celle-ci résulte de celle-là par l’échange entre les parties gauche et droite de la relation de conséquence. Pour simplifier, quand la proposition dit |-A, la contre-proposition dit A|-. La contre-proposition implique donc d’avoir fait passer A à droite ce qui, on l’a vu, revient à attacher à A une négation, nous assurant bien ainsi qu’il s’agit d’une contre-proposition. Le principe de la ludique consiste alors à poursuivre en parallèle les développements de la proposition et de la contre-proposition. Ces développements donnent des arbres (partant d’une formule complexe comme racine d’un arbre, on obtient les formules qui résultent de sa décomposition - des ensembles de formules plus simples - comme des branches qui elles-mêmes se ramifient. On s’intéresse alors aux symétries entre les deux arbres de développements (symétries toujours par rapport à la relation de conséquence), et plus spécifiquement aux symétries d’une formule qui apparaît dans la branche d’un arbre à une formule qui apparaît dans une branche de l’autre. Ces formules sont dites « convergentes », quand ce qui est à la droite de la relation de conséquence dans l’une est à gauche de cette relation dans l’autre. Entre ces formules symétriques par rapport à la relation de conséquence, il y a une interaction, ce qui permet d’utiliser une notion de « coupure », qui en fait connecte deux expressions symétriques, et on peut alors éliminer les formules simples qui sont connectées.
Ce développement se poursuit en parallèle entre les deux arbres, mais...
Qu’est ce qui assure notre identité personnelle ? Les philosophes ont proposé des réponses toutes imparfaites, mais qu’il est intéressant de tenter d’ordonner. Nous pourrions sans doute traiter d’emblée l’identité personnelle comme un système d’isomorphismes, mais nous pouvons aussi tenter d’utiliser le travail en profondeur de Jean Yves Girard d’une manière plus diversifiée. La notion d’identité personnelle se révèle bien adaptée à ce genre de tentative, que nous allons maintenant développer.
Revenons sur la division des niveaux de profondeur logique que propose Girard : le niveau aléthique, (-1) qui s’intéresse seulement à ce qui est prouvable, cohérent et vrai ; le niveau fonctionnel (-2) qui traite de preuves, et peut différencier deux démonstrations d’un même énoncé, tout en disposant de critères d’équivalence entre deux preuves (isomorphisme de Curry-Howard) ; le niveau interactif (-3) qui fait jouer la dynamique de stratégies en interaction dans un jeu qui doit se terminer ; le niveau déontique (-4) qui élimine tout arbitre du jeu précédent et fait jouer des propositions qui se jugent les unes les autres, la simple poursuite du jeu faisant émerger la règle de l’interaction entre A et non A. A ce niveau, on tient compte des « localisations » des formules : chaque formule a un « lieu » disjoint de celui des autres et qui lui reste propre au cours de toutes les manipulations logiques. En particulier, à ce niveau, on peut écrire A et B= B et A, puisque le signe « = » nous informe que le A qui est à gauche de B a bien le même lieu propre que le A qui est à droite du B (même chose pour B). Mais l’identité A=A de fait pas sens, parce qu’elle ne nous donne aucune information, sauf à la lire comme une sorte d’isomorphisme entre deux copies de A : A’ et A’’, chacune de lieu propre [509] différent. Pour les identifier, il...
Le mot « noncommutatif » aura certainement été l’un des plus représentatifs de la fécondité des mathématiques au XXième siècle.
Si la dichotomie commutatif/noncommutatif est présente au XIXième siècle, dés l’avènement de la théorie des groupes, ce que l’on appelle de nos jours les mathématiques non commutatives ont pris tout leur essor après que la nouvelle mécanique adaptée au monde à l’échelle atomique ait vu le jour. La Mécanique Quantique a dessiné une ontologie du non commutatif en mathématique, tout comme elle a créé un nouveau paradigme physique pour notre perception du monde.
D’un point de vue philosophique il est étrange que la négation d’un concept, d’une formule, devienne aussi positivement ancrée dans un aspect conceptuel presque universel : en principe, puisque le « commutatif » est un, le non commutatif devrait être multiple. Or on parle souvent du commutatif et du non commutatif, comme s’il n’y avait qu’une seule occurrence de ce dernier. Cela traduit, il me semble, le changement de paradigme profond que représente l’abandon, dans une théorie physique ou domaine des mathématiques le postulat .
Faut-il voir ou bien comme une contrainte ?
D’autre part, si deux matrices données et commutent ou bien ne commutent pas entre elles, il s’avère qu’il existe des familles de matrices qui commutent presque, offrant ainsi la possibilité d’une transition du non commutatif vers le commutatif. Cette transition est difficile et offre une richesse extrême, trace selon nous de la profondeur du changement paradigmatique entre le commutatif et le non commutatif. Nous allons essayer d’en donner quelques exemples.
Nous avons tous appris à l’école que nous vivons dans un espace euclidien constitué de points matériels formant les trajectoires des corps matériels en mouvement qui nous entourent.
Nous avons aussi appris que si la lune suit les trajectoires que nous observons c’est...
La logique se trouve actuellement enseignée et aux scientifiques et aux littéraires : elle fait partie, de fait, des sciences que l’on appelle humaines et des sciences que l’on appelle exactes. Son statut n’est pourtant guère double dans le sens où, par exemple, la médecine pourrait avoir un double statut, de « science » et d’« art », selon le point de vue que le médecin adopte : qu’on donne la priorité au physiologique ou au pathologique, au laboratoire ou au chevet du malade, aux explications ou aux remèdes, dans les deux cas on est souvent face aux mêmes phénomènes, aux mêmes problèmes, aux mêmes instruments - seul change ce qui est mis en avant ; ce n’est pas peu, la différence est peut-être même cruciale, mais les deux points de vue sur l’activité médicale peuvent être identifiés, confondus, voire négligés, du moins par le regard externe d’un sujet non médecin - notamment un chimiste, un biologiste, ou, à l’inverse, un patient. Or, il en est tout autrement pour les « deux logiques », celle qui est enseignée aux scientifiques et celle qui est enseignée aux littéraires. Il suffit de se glisser dans la salle de cours d’une classe préparatoire littéraire et dans la salle de cours d’une école d’ingénieur, au moment où dans les deux salles on parle de « logique », pour voir que tout y est différent : objets, problèmes, instruments, au point qu’on soupçonnerait une pure homonymie si on ne savait par ailleurs que les deux matières sont historiquement cousines ; un résidu est d’ailleurs là pour témoigner de ce cousinage : la proposition logique, qui surtout dans sa version implicative et quantifiée apparaît au tableau dans les deux salles de cours, tel un mot familier qui, surgissant dans un discours dit dans une langue inconnue, ne ferait que rendre l’incompréhension plus désespérée.
Il serait faux d’affirmer que la logique « des...
« ...Non so più cosa son, cosa faccio... »
Da Ponte
L’intrication est à la mode. Décrite comme source de problèmes incontournables dans les années 30 lors des débats conceptuels sur la nouvelle mécanique, elle est de nos jours activement recherchée comme moteur fondamental de l’informatique quantique.
Quantum computing wants entanglement
Car la Mécanique Quantique sans intrication, c’est comme un baiser sans moustache, comme on disait dans les opérettes de ces mêmes années 30.
La propriété d’intrication de l’état d’un système quantique « formé » de deux particules interdit que l’on puisse parler d’un sous-système formé de l’un d’entre elles. Dans un état intriqué, non seulement les deux particules n’existent pas indépendamment, mais encore chacune contient le reflet de l’autre : 2particules ne sont pas deux particules.
Mais il est un autre sujet concernant la Mécanique Quantique que l’on peut, il me semble, rapprocher de l’intrication : c’est son rapport à la Mécanique Classique.
Les deux nouvelles mécaniques qui voient le jour à l’aube du XXIème siècle, et qui vont permettre de dépasser les deux écueils de la mécanique classique que sont l’interaction à distance et la structure microscopique de l’espace, sont deux évolutions épistémologiquement fort différentes quant au changement de paradigme qu’elles offrent à leurs prédécesseurs. La Relativité ne fait « que » déformer la structure de la cinématique classique mais, en revanche, présente du jamais vu quant aux aspects dynamiques : le tenseur d’énergie-impulsion ne trouve aucune racine dans le monde pré-relativiste.
En ce qui concerne la Mécanique Quantique la situation est en quelque sorte inversée. Le changement paradigmatique lié à la cinématique est immense : on passe d’un espace géométrique inerte à un espace de Hilbert d’états quantiques, du commutatif au non commutatif. En revanche la plupart des hamiltoniens quantiques sont obtenus à...
La représentation que nous nous faisons du rapport que nous entretenons avec les langues est habituellement une représentation utilitaire : que ce soient celles que chacun de nous parlons de façon immémoriale comme langue maternelle ou celles que nous employons plus ou moins facilement quand il s’agit de langues apprises au cours de la vie, les langues seraient avant tout des moyens utilisés en vue de fins pratiques qu’elles soient sociales (dialogues entre les humains) ou descriptives (caractérisation des objets). Généralement, dans le contexte des sciences exactes et des sciences de la nature, cette attitude utilitaire à l’égard des langues naturelles condamne à brève échéance leur usage : passé le premier moment pédagogique nécessaire pour rendre un concept accessible à celui qui en ignore tout, les langues naturelles auraient le défaut d’être irrémédiablement diverses, réfractaires à toute détermination univoque et sujettes à des évolutions incontrôlables. Bref, les langues naturelles seraient sinon toujours des obstacles à la connaissance proprement scientifique, du moins de simples auxiliaires pédagogiques, car elles seraient des instruments globalement inadaptés pour ce que les sciences cherchent à penser, à savoir les déterminations univoques des objets ou complexes d’objets. D’où aussi le fait qu’à côté des langues dites « naturelles » viendraient s’ajouter, à la suite d’efforts considérables, des langues « artificielles » pour pallier les défauts des premières : universelles, univoques et invariantes, les langues artificielles viseraient ce que les langues naturelles ne seraient pas parvenues à viser, à savoir une description universelle, univoque et invariante des objets de la nature.
Ce faisant, force est de reconnaître que les langues artificielles, en reprenant à leur compte mais par d’autres moyens la capacité descriptive des...
Au cours des années 1930, un croisement très riche entre le questionnement philosophique sur les fondements des mathématiques, la réflexion sur la cognition humaine et les techniques mathématiques nouvelles, est à l’origine de l’ordinateur moderne. A l’époque, les machines à calculer existent déjà, de celle de Babage (1850) aux machines analogiques comme le « Differential Analiser » de V. Bush (1927), mais c’est le problème épistémologique de la complétude déductive des formalismes axiomatiques, qui amènera à l’invention des concepts fondamentaux du calcul digital moderne.
L’analyse logique de la preuve chez Herbrand (sa thèse, 1930, Ens-Sorbonne) contient une première définition de la fonction récursive primitive (calculable au sens fort). Gödel (1931) et Turing (1936) enchaineront en donnant une réponse définitive au questionnement fondationnel de l’époque : est-ce qu’un calcul de signe potentiellement mécanisable et sans référence au sens permet de décider tout énoncé mathématique ? Peut-on en démontrer la cohérence par des arguments « finitaire » et formels ? Et, en fait, le raisonnement humain est-il
complètement réductible à un système de signes potentiellement mécanisable ?
Pour répondre à de telles questions philosophiques, ces grands mathématiciens durent préciser ce que veut dire « potentiellement mécanisable ». Autrement dit, pour construire des propositions indécidables ils durent préciser ce que veut dire décidable ou calculable en général, en donnant une formalisation mathématique (la classe des fonctions récursives) de la notion informelle de calcul. Turing, en particulier, en propose une définition particulièrement originale, sa Logical Computing Machine (LCM), idée abstraite d’un « homme dans l’acte minimal de calcul » (une remarque de Wittgenstein), et définit formellement par...