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ARTICLES

Aux marges du visible, une pratique de la sténopéphotographie

Cette recherche prend appui sur une pratique de la sténopéphotographie prise dans sa singularité – celle de l’auteur. L’accent y est mis sur des manifestations visuelles marginales qui permettent d’interroger la vision, le regard, à partir de phénomènes discrets, périphériques, en dehors du champ central de la vision, là où l’image est la plus nette, la mieux informée, se décentrant, déplaçant l’attention vers les bords, à la marge de ce que l’observation tient habituellement pour important : accepter le flou et l’indéterminé pour laisser venir à soi une autre forme de vision, au péril de l’informe, au risque de se perdre dans l’image autant pour l’opérateur que pour l’observateur.

Comment dire l’invisible ? Comment exprimer d’infimes sensations visuelles ? Comment faire droit à des manifestations à la marge de la vision ?

Aux marges du visible, la sténopéphotographie, photographie pratiquée avec une simple boîte noire (une camera obscura) percée d’un trou minuscule en guise d’objectif (un sténopé), nous porte ici à questionner la vision, entre vision humaine et vision appareillée. Cette réflexion s’appuie sur une expérimentation autour du visible, s’inscrit dans le cadre d’une démarche artistique dans laquelle la sténopéphotographie s’attache aux impressions visuelles de l’opérateur. La démarche s’appuie sur l’expérimentation, se nourrit d’aléas susceptibles de perturber, de questionner la pratique photographique. Le parti pris est le suivant : la ressemblance avec le sujet photographié n’est plus de mise : ce sont les accidents du dispositif qui retiennent notre attention. Dans un tel contexte, la sténopéphotographie avec ses images parfois très brouillées, à peine lisibles, dissemblables du sujet photographié, semble n’être plus qu’à elle-même, mettant en avant le dispositif employé - essentiellement par ses faiblesses - dans les imperfections de formation de...

Dans l’oeil du miroir maniériste. Le déni du chaos du réel

L’œil du peintre, ouvert sur le monde, trouve sans doute l’une de ses allégories les plus opératoires dans l’orbe du miroir dont la surface réflexive, comme le regard, capte les images, les recompose et reproduit l’image d’objets placés face à lui. A l’objet miroir peut donc être naturellement associée une relation analogique entre la réalité virtuelle que ce dernier restitue spontanément et la recréation artificielle du réel opérée par l’œil du peintre. Le recours à l’objet miroir s’impose dès lors comme l’un des signes « poétiques » les plus efficients pour sonder, en un temps et un lieu donnés la posture ontologique du regard de l’artiste, son parti pris : le miroir apparaît en d’autres termes, au-delà de son simple intercesseur technique, comme son chronotope [53].

Cette analogie signifiante entre la réflexion de l’œil de l’artiste et celle du miroir explicitement intégré dans la représentation, fut particulièrement expérimentée durant le Maniérisme italien, l’une des périodes de production artistique les plus enclines à expérimenter les distorsions du champ de vision naturel autorisées par le medium du miroir. Ces distorsions du regard, dont le miroir se fait l’explicite écho figuratif, sont révélatrices des points de vue déviants qui sont alors en train de s’opérer, transformant la conception et fonction même de l’œil de l’artiste [54], après plus de deux siècles de règne sans partage du point de fuite perspectif, unique et rassurant [55]. Notre propos sera ici d’illustrer de quelle manière l’exactitude du reflet du miroir plan, instrument privilégié par le peintre de la Renaissance pour observer et mesurer exactement le monde, selon les lois de la perspective optique, se chargea dans les représentations du début du XVIe siècle d’une valeur et d’une fonction déviantes. Nous examinerons en particulier la dislocation de la perception qui, en écho aux temps...

Giulio Paolini, Entre fragment et fragmentation

« "Être ou avoir été", jusqu’à mettre en question l’identité,
la consistance, l’existence même de l’artiste et de (son ?) œuvre » [73].

Dès ses débuts, l’activité de Giulio Paolini semble absolument insolite dans le panorama artistique italien des années soixante et soixante-dix. En effet les œuvres emblématiques de l’artiste instaurent une relation de grande proximité avec l’histoire de l’art, un dialogue assez éloigné des velléités de rupture qui traversent sa génération. Ainsi, les rapprochements de l’œuvre de Giulio Paolini avec l’Arte Povera s’établissent sur le plan de la pratique et non pas sur le plan du résultat de cette pratique. L’opération d’abstraction à laquelle se livre l’artiste pourrait bien être le véritable lien qui l’unit au projet d’un art pauvre. Il procède donc, non plus par accumulation, mais par retrait, en exploitant le substrat de ce qui a été.

Les colonnes, les statues, les plâtres brisés sont autant d’objets qui viennent constituer l’iconographie et la matière des réalisations de Giulio Paolini. L’artiste s’approprie des fragments de l’antiquité classique et les fait communiquer avec le présent. Il explore alors abondamment le champ lexical qu’offre l’archéologie pour l’étendre à son mode de réalisation artistique. Ce déplacement apparaît comme un moyen pour remettre en question l’ensemble des éléments de l’expérience artistique : l’objet, le lieu d’exposition, le spectateur jusqu’à l’artiste en tant que tel.

Le discours de Giulio Paolini se réfère à la conception artistique et se place ainsi en amont de la réalisation. Il fait en effet reposer sa création sur une affirmation : « L’œuvre préexiste à l’intervention de l’artiste » [74]. Cela signifie explicitement que le travail ne se situe plus au niveau de la production matérielle, qu’elle soit picturale ou en volume. L’artiste -qui parle d’ailleurs volontiers en qualité d’auteur, terme plus générique ou plus neutre-...

« Harald Szeemann, D5 : symptôme d’une bascule épistémologique »

Du 20 juin au 8 octobre 1972 s’est tenue la cinquième édition de la Documenta, à la Neue Galerie et au musée Fridericianum de Kassel. Cet événement, créé en 1955 par Arnold Bode et Werner Haftmann, a pour fonction de proposer un panorama de l’art actuel selon une périodicité qui varie de quatre à cinq ans. La d5 a été organisée par Harald Szeemann et constitue une référence incontournable dans l’histoire des expositions. Elle marque une refonte durable de la structure administrative de la Documenta, avec la nomination de Szemmann en tant que « secrétaire général ». Ce statut instaure une délégation unique inédite dans l’histoire de la manifestation, jusqu’alors dirigée par un conseil scientifique. Szeemann est à la tête d’une équipe de conseillers composée d’Arnold Bode, Jean-Christope Ammann, Bazon Brock, Peter Iden Karlheinz Braun et Alexander Kluge, aux côtés desquels des collaborateurs externes ont la charge des différentes sections thématiques [i]. La d5 se démarque par ailleurs des éditions précédentes par son positionnement : l’exposition propose certes une synthèse de l’actualité artistique avec les œuvres de 217 artistes internationaux, mais elle présente conjointement des objets qui ne ressortissent pas de la sphère artistique. Sont ainsi exposés des objets qui relèvent de la tradition populaire, de l’imagerie politique, de la publicité, de l’art religieux ou encore de la catégorie intermédiaire de l’Art Brut. L’hétérogénéité de ce corpus est motivée par la position programmatique de l’exposition, annoncée dans son titre : d5. Enquête sur la réalité – Imageries d’aujourd’hui. Voir mieux avec documenta 5. Harald Szeemann exprime les intentions de la d5 comme n’étant pas circonscrites à son rôle de forum international de l’art contemporain :

« La d5 a le caractère fertile et actif d’une exposition d’art et offre, en supplément, des références sur les...